La Citroën BX Série 2, apparue au début de l’année 1987, représente un chapitre essentiel dans l’histoire de la marque aux chevrons, celui de la maturation et de l’affirmation d’un succès commercial. Alors que la Série 1, lancée en 1982, avait imposé une rupture stylistique et technique audacieuse, la Série 2 eut pour mission de consolider ces acquis en gommant les aspérités et en élargissant l’attrait du modèle pour conquérir un public plus large. Ce restylage, intervenant à mi-parcours d’une production qui allait durer jusqu’en 1994, ne se contenta pas d’un simple lifting esthétique. Il incarna une réponse pragmatique de Citroën aux retours du marché, transformant une voiture déjà novatrice en un véhicule plus poli, plus confortable dans son usage quotidien et technologiquement enrichi. Dans un contexte concurrentiel de plus en plus exigeant, et face à l’arrivée de la Peugeot 405, la BX Série 2 devait prouver que l’innovation Citroën pouvait s’allier à une robustesse et une ergonomie conventionnelles sans se renier. Cette analyse se propose de décortiquer les circonstances de cette évolution, les modifications apportées, l’élargissement de la gamme, et la manière dont cette version a permis à la BX de s’inscrire durablement dans le paysage automobile européen, sauvant financièrement la marque et préparant le terrain pour ses successeurs.
Contexte historique et genèse du restylage
Le lancement de la Citroën BX Série 2 en 1987 s’inscrit dans un double contexte, à la fois interne et externe, qui justifiait une profonde mise à jour du modèle. Après cinq années de commercialisation, la BX, bien que succès commercial indéniable avec plus de deux millions d’exemplaires produits au total, commençait à montrer certains signes de vieillissement face à une concurrence renouvelée . La Série 1, avec son tableau de bord radical et géométrique, avait dérouté une partie de la clientèle potentielle, habituée à des ergonomies plus conventionnelles. Par ailleurs, les premiers modèles souffraient de défauts de jeunesse, notamment une direction non assistée réputée lourde, que Citroën s’était empressé de corriger en proposant une assistance en option dès 1984. Au sein du groupe PSA, l’année 1987 était également cruciale car elle voyait l’arrivée de la Peugeot 405, un modèle partageant une partie de sa plateforme avec la BX mais bénéficiant d’un design plus contemporain et consensuel. Il fallait impérativement que la BX maintienne son attractivité et son actualité pour ne pas être éclipsée par cette nouvelle venue de la même famille. Le restylage fut donc une opération stratégique visant à prolonger la courbe de vie du modèle en le rendant plus doux, plus accessible et plus en phase avec les attentes d’une clientèle moins acquise d’avance à l’audace Citroën. Il s’agissait de faire mûrir un concept qui avait fait ses preuves, en le débarrassant de ses aspects les plus controversés, sans pour autant sacrifier son âme technique. Cette évolution reflète la volonté de Citroën de concilier son héritage d’innovation avec les impératifs commerciaux du volume, une gymnastique complexe dans le paysage automobile des années 1980.
Design et évolutions techniques
Sur le plan esthétique, les modifications apportées à la Citroën BX Série 2 furent immédiatement visibles et marquèrent une volonté d’adoucissement des lignes originelles. À l’avant, la calandre fut redessinée, s’intégrant de manière plus fluide avec des phares légèrement modifiés, tandis que le pare-chocs, désormais plus volumineux et intégrant mieux les antibrouillards, contribuait à une impression de modernité et de robustesse . À l’arrière, le bouclier fut également retouché pour une meilleure homogénéité. Ces changements, bien que ne modifiant pas la silhouette anguleuse caractéristique de la BX, lui offrirent un aspect plus abouti et moins brutal. L’évolution la plus significative, et certainement la plus appréciée par la clientèle, concerna l’habitacle. Le tableau de bord avant-gardiste de la Série 1, avec son compteur à affichage digital et ses satellites de commande, fut entièrement remplacé par un ensemble plus classique, adoptant la forme d’une « lunula » inspirée de la CX, avec des compteurs analogiques et des commodos traditionnels . Ce revirement ergonomique total répondait aux critiques récurrentes sur la complexité et le caractère déroutant de l’ancien poste de conduite. Techniquement, la Série 2 hérita de l’ensemble des améliorations apportées au fil des ans. La suspension hydropneumatique, garantie du fameux confort de roulement Citroën, était toujours de rigueur, offrant cette garde au sol constante et cette capacité à absorber les imperfections qui distinguaient la voiture de ses concurrentes. La direction assistée, cruciale pour une voiture de cette catégorie, devint plus répandue. La gamme moteur s’était considérablement étoffée depuis le lancement. Elle intégrait désormais les robustes blocs Diesel XUD, avec l’arrivée en 1988 du turbo-diesel de 90 chevaux, qui forgea la réputation de la BX comme une voiture à la fois économique, confortable et infatigable . Côté essence, la famille des moteurs XU s’était enrichie, culminant avec l’arrivée de la BX GTI 16S en 1988, dotée d’un moteur de 160 chevaux permettant d’atteindre 220 km/h, une performance remarquable pour l’époque . Enfin, Citroën poursuivit l’allègement de la structure initié avec la Série 1, utilisant des matériaux composites pour les panneaux de carrosserie comme le capot et les boucliers, une pratique novatrice qui contribuait à la fois à l’économie de carburant et à la résistance à la corrosion.
Positionnement sur le marché et réception
Le positionnement de la Citroën BX Série 2 sur le marché automobile de la fin des années 1980 fut celui d’une familiale rationnelle et ingénieuse, parvenant à l’équilibre entre l’innovation et la convention. En adoucissant ses excès stylistiques et ergonomiques, Citroën visait clairement une clientèle plus large, séduite par le confort hydropneumatique mais jusqu’alors rebutée par le caractère trop singulier de la Série 1. La BX Série 2 se présentait ainsi en alternative crédible et caractérielle aux Renault 21, Ford Sierra et Opel Vectra qui dominaient le segment. Son argumentaire commercial s’articulait autour de plusieurs piliers : un confort inégalé, une grande habitabilité grâce à son hayon, une économie de fonctionnement remarquable, notamment avec les versions diesel, et une image de robustesse. La réception par la presse et le public fut excellente. Les journalistes saluèrent les améliorations apportées au châssis, à l’isolation phonique et surtout à l’ergonomie du poste de conduite, qui rendait la voiture beaucoup plus accessible et agréable au quotidien. La version Break, commercialisée à partir de 1985 et intégrée pleinement à la gamme Série 2, joua un rôle clé en répondant au besoin criant d’un break familial en dessous de la CX . Avec son volume de chargement généreux et ses motorisations variées, il devint rapidement un véhicule apprécié des familles et des professionnels. La BX Série 2 permit également à Citroën d’explorer des niches plus spécifiques, comme le tout-terrain léger avec les versions 4×4, disponibles en berline et en break, et équipées d’une transmission intégrale permanente et, en option, de l’ABS . Ces modèles, bien que marginaux en volume, renforcèrent l’image de polyvalence et de technicité de la BX. Commercialement, la Série 2 permit à la BX de maintenir un rythme de ventes soutenu, contribuant de manière décisive au total final de 2 337 016 exemplaires produits, faisant d’elle l’un des plus grands succès commerciaux de Citroën et la sauvant d’une situation financière précaire . Elle démontra qu’une Citroën pouvait concilier son âme unique avec les exigences du marché de volume.
Performances, confort et expérience de conduite
Au volant de la Citroën BX Série 2, l’expérience de conduite se caractérisait par un sentiment de quiétude et de maîtrise, hérité de la Série 1 mais notablement affiné. Les performances, très variables selon les motorisations, allaient de la simple adéquation aux besoins quotidiens à la vivacité sportive. Les versions d’entrée de gamme, comme la BX 11 de 55 chevaux, offraient des prestations modestes mais suffisantes pour une utilisation principalement urbaine . À l’opposé, la BX GTI 16S avec ses 160 chevaux proposait des accélérations franches et une pointe de 220 km/h, la hissant au rang de berline sportive crédible, capable de rivaliser avec les Golf GTI de sa génération . Le vrai fleuron de la gamme en termes d’équilibre entre performance et usage fut sans conteste le turbo-diesel de 90 chevaux. Son couple généreux disponible à bas régime en faisait une voiture décontractée et économe, parfaite pour les longs trajets autoroutiers, et elle forgea la réputation d’indestructibilité des moteurs Diesel PSA. Le point fort absolu de la BX, quel que soit son moteur, restait son confort de roulement. La suspension hydropneumatique, spécificité Citroën, lui conférait une capacité unique à lisser les défauts de la chaussée. Les nids-de-poule, les pavés ou les routes dégradées étaient absorbés avec une décontraction qui isolait remarquablement les passagers des agressions extérieures. Ce « filtre » extraordinaire entre la route et l’habitacle constituait l’argument majeur de la voiture et lui valut une fidélité sans faille de ses propriétaires. La tenue de route était sûre et stable, avec une tendance au sous-virage dans la limite de l’adhérence. La direction, surtout lorsqu’elle était assistée, était précise et légère. L’habitacle, désormais doté de son tableau de bord « lunula », était perçu comme plus chaleureux et plus ergonomique. L’espace pour les passagers avant et arrière était excellent pour le segment, et la vision globale, dégagée. En résumé, conduire une BX Série 2, c’était faire l’expérience d’un compromis intelligent entre le dynamisme, le confort magistral et la rationalité, le tout teinté de cette touche d’originalité technique qui restait la signature de la marque.
Héritage et postérité du modèle
L’héritage laissé par la Citroën BX Série 2 est considérable et s’inscrit dans la longue tradition des familiales à caractère de la marque. Elle fut la pierre angulaire qui permit à Citroën de se maintenir et de prospérer dans le segment crucial des berlines familiales durant la seconde moitié des années 1980. En parvenant à rationaliser la voiture sans la banaliser, la Série 2 a démontré qu’il était possible pour un constructeur de conserver son identité tout en élargissant son audience. Techniquement, elle a servi de banc d’essai et de vitrine pour des technologies qui firent ensuite leur chemin, comme la généralisation des motorisations diesel performantes et, de manière plus anecdotique mais significative, la transmission intégrande dans les modèles grand public. Sa longévité et son robuste chiffre de production ont installé la BX dans le paysage automobile français et européen, en faisant un objet courant dont la robustesse globale, malgré des faiblesses électriques connues, est aujourd’hui reconnue. La postérité de la BX Série 2 se mesure également à son successeur direct, la Xantia, présentée en 1993. Cette dernière reprit et perfectionna l’architecture générale de la BX – notamment la suspension hydropneumatique dans sa version la plus aboutie – en l’habillant d’une carrosserie aux formes bien plus douces et conformes aux canons des années 1990. La Xantia hérita également de la philosophie de gamme de la BX Série 2, avec une ergonomie conventionnelle et un large éventail de motorisations. Aujourd’hui, la BX Série 2 commence tout juste à susciter l’intérêt des collectionneurs. Longtemps éclipsée par la radicalité de la Série 1, elle est désormais appréciée pour son caractère complet et abouti. Les versions les plus emblématiques, comme la GTI 16V, la Break ou les 4×4, voient leur cote doucement monter, symbolisant la reconnaissance tardive pour cette voiture qui fut, dans l’ombre de ses glorieuses aînées, une ouvrière méritante et un pilier essentiel de l’histoire de Citroën.
Conclusion
En définitive, la Citroën BX Série 2 incarne parfaitement la notion de maturité dans le cycle de vie d’un modèle automobile. Elle représente la version aboutie, apaisée et grand public d’un concept qui, à son lancement, avait volontairement bousculé les codes. En s’attaquant de front aux points faibles de la Série 1, notamment son ergonomie contestée, tout en préservant et en améliorant ses qualités fondamentales – le confort, l’économie, l’ingéniosité technique –, Citroën a réussi le pari de transformer une voiture à la personnalité marquée en un succès commercial de grande ampleur. La BX Série 2 n’est pas une voiture de la rupture, mais de la consolidation. Elle est le témoin d’une marque qui, tout en naviguant dans le giron de PSA, a su préserver une part essentielle de son ADN, prouvant que l’innovation pouvait rimer avec fiabilité et large adhésion. Son étude nous rappelle que dans l’industrie automobile, le courage ne réside pas seulement dans l’audace du lancement, mais aussi dans l’humilité de savoir écouter le marché pour corriger le tir. Si la BX dans son ensemble a sauvé Citroën, la Série 2 est certainement la version qui, en l’ancrant dans la durée, a le plus contribué à cet accomplissement. Elle demeure un jalon essentiel, un modèle de transition réussi entre l’ère des Citroën résolument avant-gardistes et celle des véhicules plus consensuels mais toujours porteurs de cette touche de singularité qui fait la marque.