Volvo 142 (deuxième série)

Dans l’évolution de l’automobile suédoise, certaines générations de véhicules représentent des étapes cruciales dans l’affirmation d’une identité technique et philosophique unique. La Volvo 142 deuxième série, produite de 1968 à 1974, incarne cette période de maturation où le constructeur scandinave parfait sa vision de la voiture sûre et robuste tout en élargissant son audience internationale. Développée à partir de la 144 dont elle partage l’essentiel de la plateforme technique, cette version deux portes se distingue par son élégance sportive assumée et ses améliorations significatives en matière de sécurité et de performances. Son histoire coïncide avec l’âge d’or des Volvo « Amazon » et préfigure l’avènement des modèles 240 qui deviendront des références mondiales. Cette berline deux portes représente la synthèse réussie entre les impératifs de sécurité absolue qui définissent la marque et les aspirations à une certaine sportivité, le tout dans un design typiquement scandinave alliant fonctionnalité et sobriété. Cette analyse se propose d’explorer les spécificités de ce modèle charnière, en examinant son positionnement original au sein de la gamme Volvo, ses évolutions techniques notables, son accueil sur les marchés internationaux et l’héritage qu’elle a transmis aux générations suivantes.

Contexte historique et genèse d’une déclinaison sportive

La genèse de la Volvo 142 deuxième série s’inscrit dans la stratégie de diversification de la gamme 140 engagée dès 1966. Alors que la 144 quatre portes rencontre un succès immédiat grâce à son approche révolutionnaire de la sécurité, Volvo perçoit l’opportunité de développer une version deux portes visant une clientèle plus jeune et plus dynamique. Le marché nord-américain, en particulier, manifeste un intérêt croissant pour les berlines sportives élégantes, un créneau que la 142 est parfaitement positionnée pour occuper. Le développement de cette deuxième série intervient à un moment charnière où Volvo consolide sa réputation internationale et affine sa philosophie technique.

Les modifications introduites avec cette deuxième série en 1968 sont le fruit des retours d’expérience des premières années de production et des avancées continues en matière de sécurité. L’équipe d’ingénieurs dirigée par John T. Ternald travaille à améliorer la rigidité de la caisse, particulièrement cruciale pour une version deux portes, tout en optimisant l’aérodynamique et le comportement routier. Le design, confié à Jan Wilsgaard, évolue subtilement pour accentuer le caractère sportif de la voiture sans altérer sa fonctionnalité fondamentale. La face avant bénéficie d’un restylage avec une calandre redessinée et des feux avant légèrement modifiés, tandis que l’arrière conserve sa ligne caractéristique mais avec des détails améliorés. La 142 deuxième série se présente ainsi comme une version plus aboutie et plus mature de la première génération, capitalisant sur les atouts de la plateforme 140 tout en affinant son caractère sportif.

Design et architecture : la sportivité fonctionnelle

Le design de la Volvo 142 deuxième série représente un équilibre remarquable entre l’austérité fonctionnelle des Volvo et les codes esthétiques des berlines sportives de la fin des années 1960. La silhouette deux portes, avec ses lignes anguleuses et ses proportions équilibrées, dégage une impression de solidité et d’élégance sobre. Les portes plus larges que sur la version quatre portes facilitent l’accès à l’habitacle malgré l’absence de portes arrière, tandis que la vitre latérale bénéficie d’un dessin spécifique qui améliore la visibilité et contribue à l’équilibre général de la ligne. La face avant se distingue par une calandre plus fine intégrant le logo Volvo revisité, flanquée de doubles phares ronds qui deviendront emblématiques de la marque durant cette période.

L’architecture technique reprend les principes fondamentaux de la plateforme 140, avec sa structure monocoque renforcée et ses zones de déformation programmée. La suppression des montants centraux permet toutefois aux ingénieurs de renforcer considérablement la rigidité torsionale du véhicule, améliorant ainsi le comportement routier sans compromettre la sécurité passive. L’habitacle, spacieux et fonctionnel, conserve la philosophie « sécurité d’abord » avec sa planche de bord entièrement rembourrée, ses commandes rétractables et l’absence d’éléments saillants. La position de conduite, basse et sportive, contraste avec l’image traditionnellement plus conservatrice des Volvo, tandis la qualité des matériaux et l’assemblage soigné maintiennent le standing caractéristique de la marque. La 142 réussit ainsi la prouesse d’offrir une expérience de conduite plus engageante tout en préservant les qualités pratiques et sécuritaires qui font la réputation des Volvo.

La technique au service de la performance maîtrisée

La philosophie technique de la Volvo 142 deuxième série illustre parfaitement l’approche scandinave de la performance : puissance et dynamique sont développées dans le strict respect des impératifs de sécurité et de fiabilité. Le moteur B18, hérité de la première série, évolue significativement avec l’introduction du célèbre bloc B20 de 2,0 litres qui développe une puissance allant de 90 à 118 chevaux selon les versions. Cette augmentation de cylindrée s’accompagne d’améliorations notables au niveau de la distribution et de l’alimentation, permettant à la 142 d’afficher des performances honorables sans sacrifier sa robustesse légendaire.

Le système de freinage, déjà remarquable sur la première série avec ses disques sur les quatre roues, est perfectionné avec l’adoption de maîtres-cylindres plus efficaces et de disques avant de plus grand diamètre. La suspension, bien que conservant sa configuration fondamentale (roues indépendantes à l’avant, essieu rigide à l’arrière), bénéficie de réglages plus fermes et de barres antiroulis renforcées qui améliorent la tenue de route sans compromettre le confort. La direction à crémaillère, précise et bien assistée, offre un bon compromis entre maniabilité et stabilité à haute vitesse. Les versions haut de gamme, notamment la 142 E équipée de l’injection électronique Bosch D-Jetronic, démontrent la capacité de Volvo à maîtriser les technologies les plus avancées de l’époque. L’ensemble technique se caractérise par une progressivité et une prévisibilité typiquement scandinaves, faisant de la 142 une voiture à la fois sûre et agréable à conduire avec vigueur.

Positionnement sur le marché et concurrence

Le positionnement de la Volvo 142 deuxième série sur le marché automobile international est aussi original qu’audacieux. Volvo choisit de cibler une clientèle jeune et éduquée, principalement en Amérique du Nord et en Europe du Nord, qui recherche une alternative aux berlines sportives allemandes et britanniques. Le prix, légèrement supérieur à celui de la 144, se justifie par le caractère plus exclusif de la version deux portes et ses équipements plus complets. L’argumentaire marketing met en avant la combinaison unique entre sécurité, qualité et performances maîtrisées, une approche qui séduit particulièrement les professionnels et les cadres supérieurs soucieux de leur image.

Face aux BMW Série 02, plus radicales et sportives, la 142 oppose sa sécurité incomparable et son habitabilité supérieure. Contre les Mercedes-Benz de classe moyenne, elle propose un caractère plus dynamique et un design plus moderne. Les berlines britanniques comme la Triumph 2000 ou la Rover 2000 TC, bien que plus élégantes, ne peuvent rivaliser avec la robustesse et la fiabilité des Volvo. Sur le marché scandinave, la 142 devient la voiture de prédilection des jeunes cadres dynamiques qui apprécient son mélange de sportivité et de rationalité. Aux États-Unis, elle bénéficie de l’image positive des produits suédois et répond aux nouvelles exigences de sécurité qui émergent après la publication du rapport Nader sur l’insécurité automobile. Ce positionnement unique permet à Volvo de créer un créneau presque exclusif, celui de la berline sportive sûre et responsable.

Accueil critique et commercial : la confirmation d’un succès

Le lancement de la Volvo 142 deuxième série est accueilli avec un enthousiasme notable par la presse automobile internationale. Les journalistes saluent les améliorations apportées par rapport à la première série, notamment en matière de finition et de comportement routier. La version deux portes est perçue comme plus équilibrée et plus racée que sa devancière, tout en conservant les qualités fondamentales de sécurité et de robustesse qui font la réputation de Volvo. Les essais sur route mettent en lumière la progressivité des freins, la précision de la direction et la stabilité à haute vitesse, qualités particulièrement appréciées sur les longs trajets autoroutiers.

Commercialement, la 142 deuxième série confirme le succès de la lignée 140. Les ventes progressent régulièrement, notamment sur les marchés d’exportation où la version deux portes est perçue comme plus distinctive et plus moderne. La fiabilité légendaire du moteur B20 et la durabilité exceptionnelle de la carrossie forgent une réputation d’invulnérabilité qui devient un argument de vente majeur. Les chiffres de production témoignent de ce succès : des centaines de milliers d’exemplaires sont produits jusqu’en 1974, avec une part significative destinée à l’exportation vers l’Amérique du Nord. La 142 donne naissance à des versions spécifiques comme la 142 S équipée de trois carburateurs et développant 135 chevaux, qui démontre les potentialités sportives de la plateforme. Ce succès commercial confirme la justesse de la stratégie de diversification de Volvo et prépare le terrain pour le lancement des séries 240 qui reprendront l’essentiel de la philosophie technique de la 142.

Héritage et postérité : le chaînon manquant

L’héritage de la Volvo 142 deuxième série est considérable, tant pour la marque suédoise que pour l’industrie automobile en général. Techniquement, elle représente la parfaite illustration de l’approche scandinave en matière de sportivité : performance maîtrisée, sécurité absolue et durabilité exceptionnelle. Ses solutions techniques, notamment en matière de renforcement de la caisse et d’amélioration du comportement routier, influenceront directement le développement des Volvo 240 qui lui succéderont et deviendront des références mondiales pendant près de deux décennies.

Pour Volvo, la 142 représente le modèle qui a démontré que sportivité et sécurité n’étaient pas antinomiques, ouvrant la voie à des modèles plus audacieux comme les Volvo P1800 et les futures berlines sportives de la marque. Elle a également contribué à forger l’image internationale de Volvo comme constructeur de voitures sûres mais non ennuyeuses, capable de séduire une clientèle exigeante et dynamique. Aujourd’hui, la 142 deuxième série est devenue un objet de collection recherché, particulièrement en Scandinavie et en Amérique du Nord. Les exemplaires bien conservés, notamment les versions E et S, témoignent d’une époque où Volvo maîtrisait parfaitement l’équilibre entre innovation technique et respect de ses principes fondamentaux. La 142 reste le symbole d’une certaine idée de l’automobile sportive, sobre, responsable et durable, qui contraste avec l’approche souvent plus extrême de ses concurrentes européennes.

Conclusion

La Volvo 142 deuxième série demeure dans l’histoire automobile comme le témoignage éloquent de la maturité technique et philosophique atteinte par le constructeur suédois à la fin des années 1960. Elle incarne la parfaite synthèse entre les impératifs de sécurité qui définissent l’identité de Volvo et les aspirations à une certaine sportivité qui émergent alors sur les marchés internationaux. Son héritage le plus durable est d’avoir démontré que performance et sécurité pouvaient être développées de concert, et que l’innovation technique pouvait servir à la fois le plaisir de conduite et la protection des occupants. En réussissant à créer une berline sportive qui reste fondamentalement une Volvo dans son approche de la sécurité et de la qualité, la 142 a ouvert la voie à toute une génération de modèles qui feront de la marque suédoise une référence mondiale. Elle reste le symbole d’une époque où le progrès technique était mis au service d’une vision humaniste de l’automobile, où la performance n’était pas une fin en soi mais un moyen d’améliorer l’expérience de conduite dans le strict respect de la sécurité des usagers.